Industrie Pharma : Aenitis à l’écoute pour optimiser la séparation

Une approche innovante pour optimiser les processus de bioproduction, via l’utilisation de la force acoustique, c’est ce que propose la start-up parisienne, hébergée au sein de l’hôpital Saint-Louis, Aenitis Technologies. 

Focus sur les quatre segments dans lesquels la jeune entreprise compte bien faire son chemin.

Acoustophorèse ou lévitation acoustique, telle est le nom de la méthode utilisée par la start-up Aenitis Technologies pour séparer, manipuler et filtrer des particules biologiques. Implantée à l’hôpital Saint-Louis de Paris, « pour disposer de l’expertise en thérapie cellulaire et de tout le matériel biologique nécessaire », comme l’indique son pdg Emmanuel Vincent.

Aenitis Technologies utilise la technologie des ondes ultrasonores, pour faciliter, ou du moins améliorer, certains processus de bioproduction, encore complexes aujourd’hui, comme le déclare Emmanuel Vincent : « Nous ne proposons pas de nouvelles thérapies, mais des solutions pour mieux produire ». Pour ce faire, Aenitis procède de la façon suivante : les objets biologiques que l’on souhaite séparer (cellules, bactéries, liposomes, etc…) sont placés dans un microcanal stérile au contact d’une membrane en céramique. Les ondes ultrasonores, en générant une force de radiation acoustique (ARF), vont alors faire vibrer cette membrane, qui va jouer le rôle de transducteur ultrasonore, et permettre le tri des différents éléments biologiques. 

Si le tri est possible, c’est grâce aux propriétés acoustiques, propres à chaque particule biologique, qui dépendent de paramètres physiques, comme la densité ou le volume et également de leur géométrie. « Plus la quantité d’énergie appliquée est importante, plus la pression augmente et plus les cellules vont la fuir pour aller vers le noeud de pression acoustique, une sorte d’oeil du cyclone », explique le p-dg. 

L’approche d’Aenitis permet de séparer des particules allant d’un micromètre à plusieurs centaines de micromètres, en jouant sur l’amplitude de l’onde sonore.

À l’heure actuelle, la start-up applique sa technologie dans plusieurs segments : l’ingénierie tissulaire, l’isolation de cellules souches mésenchymateuses et les immunothérapies cellulaires comme les CAR-T, l’isolation des îlots de Langerhans et des produits sanguins labiles.

© Aenitis Technologies

Mieux séparer les cellules souches

Les cellules souches mésenchymateuses sont des cellules hématopoïétiques de la moelle osseuse. Elles sont parmi les cellules les plus utilisées en thérapies cellulaires, mais leur processus d’isolement et de préparation reste encore long, complexe, coûteux et présente des risques de contamination élevés. Et c’est à ce niveau qu’Aenitis innove.

« Sachant que l’impédance acoustique des lipides est négative et que l’on retrouve des cellules souches mésenchymateuses dans les tissus adipeux, récupérer via notre technologie, des cellules souches issues de ce type de tissu est tout à fait possible », se satisfait le p-dg d’Aenitis. Un argument qui a convaincu puisqu’Aenitis a récemment annoncé la signature récente d’un partenariat avec la Direction générale de l’armement (DGA). Un accord à hauteur de 1,2 million d’euros pour développer un dispositif médical capable d’isoler ces cellules souches mésenchymateuses.

Mais Aenitis se développe aussi vers une autre thérapie cellulaire prometteuse, les CAR-T. Pour produire des CART-T, il est nécessaire d’utiliser des vecteurs viraux, pour modifier génétiquement les lymphocytes via un processus de transfection. Pour ce faire, les lymphocytes sont alors mis en culture.

Problème : les étapes de transduction sont très coûteuses et leur rendement est crucial. Il est ainsi nécessaire de limiter au maximum les risques de contaminations liées aux manipulations humaines. Grâce à l’acoustophorèse, Aenitis a mis au point un procédé qui permet de booster l’étape de transfection, lors de la préparation des lymphocytes. Et les résultats sont pour l’instant concluants : la transfection est doublée, et même parfois octuplée. Avec la technologie d’Aenitis, moins de vecteurs sont donc nécessaires.

Un argument économique non négligeable, quand on sait que ces vecteurs sont souvent coûteux et que le coût de production d’une thérapie cellulaire peut en limiter l’accès aux patients (par exemple, le Kymria de Novartis, indiqué en traitement de troisième ligne ou plus du lymphome diffus à grandes cellules B (LDGCB) réfractaire ou en rechute, coûte plus de 350 000 €).

« Même si ces travaux sont encore au stade préliminaire, c’est peut-être là que nous intéressons les plus grands de la pharma, en témoigne la signature récente de partenariats avec près de trois laboratoires sur ce sujet et d’autres de thérapies cellulaires », conclut Emmanuel Vincent. Si ces applications sur les thérapies cellulaires constituent un des principaux moteurs du développement de la start-up, Aenitis se positionne également sur deux autres créneaux très spécifiques : le diabète et les produits sanguins.

« Nous ne proposons pas de nouvelles thérapies, mais des solutions pour mieux produire », Emmanuel Vincent, p-dg d’Aenitis Technologies.

Isoler les îlots de Langerhans

Concernant le diabète, Aenitis se positionne sur une forme spécifique, le diabète de type I instable, qui concerne environ la moitié des patients diabétiques de types I (près de 20 millions de patients dans le monde). Cette pathologie se caractérise par la survenue de variations imprévisibles de la glycémie, oscillant entre l’hyperglycémie et l’hypoglycémie. La prise d’insuline n’est ainsi pas suffisante pour traiter correctement la maladie et ses effets secondaires.

« Pour ce type de diabète, les symptômes sont très importants et la qualité de vie est très amoindrie », indique le p-dg d’Aenitis. Le diabète de type I instable, peut se traiter par la greffe de cellules des îlots de Langerhans issus du pancréas d’un donneur. Mais le problème est que l’isolement des îlots de Langerhans est complexe et les rendements actuels sont de l’ordre de 30 % à cause de leur taille variable, qui s’échelonne entre 40 et 500 micromètres.

La technologie d’Aenitis, en permettant une modulation plus large du ciblage des typologies cellulaires à isoler, s’est avérée beaucoup plus efficace, son rendement étant de 55 %. « Un chiffre que nous espérons faire grimper jusqu’à 70 % en améliorant notre technique », explique Emmanuel Vincent. Un enjeu d’importance quand on sait que, grâce à la greffe, les patients peuvent dans les meilleurs cas se passer de l’insuline ou revenir à une forme de diabète de type 1 insulino-dépendante mais stabilisée. Enfin Aenitis se développe sur les produits sanguins, notamment les plaquettes sanguines.

© Aenitis Technologies – Prototype fonctionnel développé par l’équipe d’Aenitis

Extraction de plaquettes sanguines

« Le problème avec les plaquettes, c’est qu’elles sont très sensibles et de fait très complexes à isoler », explique Emmanuel Vincent. Les plaquettes sanguines, ou thrombocytes, sont des produits sanguins labiles ; elles consistent en de petites cellules sans noyau qui circulent dans le sang et interviennent lors du processus de coagulation.

Concrètement, lors d’un saignement, la perturbation du flux sanguin (on parle aussi de rhéologie) va activer les plaquettes. Ces dernières vont alors former un caillot, stimuler la croissance des cellules souches locales pour reformer du tissu au niveau de la plaie et activer le système immunitaire, via des facteurs d’inflammation. Une fois une plaquette activée, elle se transforme irréversiblement et libère son contenu afin de réaliser son rôle coagulant.

Et c’est justement dans cette mesure, que l’extraction des plaquettes par centrifugation, comme c’est le cas actuellement, pose un enjeu. La centrifugation, en concentrant les cellules grâce à la gravité, vient perturber le flux et donc la rhéologie, ce qui a pour effet d’activer les plaquettes et a fortiori d’en rendre une partie thérapeutiquement moins utile. En utilisant l’acoustique, la technologie d’Aenitis permet d’éviter ce phénomène d’activation lors de leur isolation et s’avère donc plus simple, plus performante et meilleure comparativement à la centrifugation. Cette technologie a déjà convaincu l’Union Européenne, puisque, pour ces travaux, Aenitis a pu bénéficier d’une subvention de quatre millions d’euros dans le cadre du programme Horizon 2020.

De quoi être optimiste pour le développement de la start-up qui multiplie les applications et les débouchés possibles pour sa technologie. Tout en restant à l’écoute des besoins en séparation pour la bioproduction.